Même si octobre se finit, l'été continue avec le fer de lance de Square Enix sur Switch : Octopath Traveler. Héritier du J-RPG old school, quel voyage nous réserve ce tableau pixellisé empli de vie et de nostalgie ?
Fiche Technique
- Genre : J-RPG / Macro-screenshoteur de pixels
- Titre original : Octopath Traveler
- Date de sortie : [Switch] 13/07/2018
- Développeur : Acquire / Square Enix
- Editeur : Square Enix / Nintendo
- Plateforme : Switch
- Directeur : Keisuke Miyauchi
Contexte de jeu
- Jeux du même genre déjà faits : Final Fantasy 1 à 3 (GBA, DS), Golden Sun (GBA), Golden Sun: The Lost Age (GBA).
- Attente : Modérée.
- Notes : Huit arcs scénaristiques terminés, plus quelques quêtes et bosses annexes
Unstack Story
Quoi de mieux que l’été pour profiter d’une épopée sur un nouveau continent fictif. Et pour le prix d’une, Octopath Traveler nous en propose huit. Huit histoires, huit personnages et huit chemins qu’il nous faudra suivre pour découvrir chacune de leur destinée. C’est la promesse que nous fait le jeu. Au contraire d’une aventure classique, il nous propose de choisir entre celles de héros anonymes pour commencer la nôtre. Un voleur désabusé, une danseuse assoiffée de vengeance, une marchande voulant voir le monde, ou bien un guerrier en recherche d’une raison de vivre, Octopath Traveler a la justesse de raconter la petite histoire de gens poussés à quitter leur foyer, dans une quête parfois épique, souvent banale et tragique, sans tomber dans l’éternel cliché d’un élu et d’un monde à sauver. Et cette petite envergure des histoires apporte une vraie fraîcheur, touchante, et étonnamment mature.
Mais bien sûr, on ne contrôlera pas qu’un seul héros. Concrètement, le jeu se sépare en chapitres. On commence avec un personnage dans une ville, puis l’on est invité à aller récupérer les autres dans d’autres villes, en faisant le premier chapitre de leur histoire. L’arc de chaque personnage est découpé en quatre chapitres. Et c’est la complétion de ces 32 chapitres qui nous fera finir le jeu. Avec deux heures par chapitre, on en a pour notre argent ! Mais c’est aussi là qu’on voit l’aspect très mécanique du jeu. Chaque chapitre a globalement la même structure. On arrive dans une ville, on lance l’histoire d’un personnage, on se balade pour déclencher les cinématiques, on utilise maladroitement la compétence sociale de notre personnage (ces compétences devenant vite accessoires), on rentre dans un donjon et on bat le boss de fin de chapitre. Et ça, 32 fois ! À la longue, cela devient rébarbatif et absolument sans surprise.
Alors qu’est-ce qui nous permet de tenir aussi longtemps ? Tout d’abord, le jeu possède un système de combat étonnamment plaisant. Octopath Traveler est un RPG au tour par tour où l’on contrôle quatre personnages (parmi huit). Chaque personnage possède une classe particulière, qui lui octroie des armes (épée, lance, arc, …) et/ou des sorts (feu, glace, foudre, …) différents. Chaque ennemi a plusieurs faiblesses et un score de garde. L’idée est de trouver ces faiblesses afin de lui faire baisser sa garde. Chaque coup porté avec la bonne arme ou le bon sort fait baisser sa garde de un, et si elle chute à zéro, on étourdit l’ennemi pendant un tour, durant lequel toutes nos attaques sur lui seront critiques. En soi, le système est assez simple, mais il s’avère vraiment plaisant, et suffisamment profond pour mettre à l’épreuve notre esprit stratégique. À cela s’ajoute la petite variété de sorts que nos héros apprennent en gagnant de l’expérience, et qui s’étoffe énormément dès que l’on débloque le moyen de les bi-classer. On a alors de larges possibilités de composition d’équipe, et ce ne sera pas de trop lors des affrontements de boss, qui s’avère souvent ardu si l’on est pas bien préparé. Malheureusement, cette difficulté décroît vite car le jeu, à force d’aller-retour entre les villes et d’exploration de donjons (oui, dites bonjour aux rencontres aléatoires), a tendance à nous faire monter de niveaux trop vite, à moins de faire tourner régulièrement les personnages dans notre équipe.
Mais le gameplay seul n’aurait pas pu nous garder en haleine aussi longtemps. Le jeu doit beaucoup à sa réalisation de grande qualité dans le fait de ne pas lâcher la manette plus tôt. Graphiquement, on ne peut nier que Octopath Traveler propose un vrai parti pris visuel, mixant pixel art et éclairage photoréaliste. Le flou de profondeur de champ omniprésent crée un effet de macrophotographie, nous donnant l’impression de tenir un petit monde entre nos mains. Bien sûr, cela peut parfois nuire à la lisibilité de l’environnement, mais on l’oublie vite devant certains décors à l’ambiance saisissante. L’architecture des villes, mi-médiévale et mi-victorienne, nous décrit un monde entre tradition et modernité, et appuie encore plus la nostalgie d’un temps où le monde avait encore tant de mystères à nous faire découvrir. Les combats sont quant à eux dynamiques, pleins d’effets lumineux et de feedbacks forts. Casser la garde d’un adversaire n’a jamais été aussi jouissif, surtout quand il s’agit d’un boss menaçant, au sprite cinq fois plus grand que celui de nos héros. Et tout cela est complété par un des points les plus réussis du jeu : la bande son ! Durant les combats, la musique, interprétée par un orchestre symphonique, est tout simplement extraordinaire ! Exaltante, enivrante et entêtante, elle n’a rien à envier à la grandiloquence de celle d’un Final Fantasy XV. Avec du recul, c’est elle qui nous fait supporter tant d’affrontements, qui nous fait continuer à prendre du plaisir, même si c’est le 500eme crapauds que nous sommes en train d’occire. Et je ne parle pas de l’apothéose épique qu’on nous sert lors des combats de boss de fin de quatrièmes chapitres ! Du grandiose !
Pour finir, reprenons notre modération (mais la musique tue quand même !), et parlons encore de l’histoire, en demi-teinte, du jeu. Les différents arcs narratifs sont touchants, les personnages sont attachants, et cela participe aussi à notre envie d’explorer de nouvelles villes. Mais la narration est, elle, proche de celles des jeux dont Octopath Traveler se dit l’héritier : rigide et vieillotte. Tout est raconté dans des cinématiques qui interrompent trop constamment notre progression. Ça fonctionne, mais on aurait préféré plus de souplesse et de finesse dans la mise en scène. Bien sûr il y a de nombreux dialogues dans les villes, et plusieurs quêtes annexes environnementales qui nous en apprennent un peu plus sur le monde, mais l’histoire principale reste présentée de manière old-school. Non, le véritable problème de l’histoire n’est pas là. Octopath Traveler nous parle de huit chemins de vie à suivre, et on se rend compte vite que ceux-ci ne se croiseront pas. Factuellement, nos héros n’ont aucune raison de voyager ensemble ! Quand on les recrutent, ils nous disent “Voilà mon histoire. Voulez vous m’aidez ?”. C’est tout. Dans les cinématiques à venir, on ne les voient jamais ensembles. Il y a quelques dialogues entre eux à côté, mais ils sont très artificiels et ne suffisent pas à créer un véritable lien qui les maintient dans une aventure commune. C’est la véritable déception du jeu, qui l’empêche de tenir sa promesse originale.
Voilà qui résume Octopath Traveler, un jeu taillé pour la Switch par sa structure en chapitres courts, et qui invite à redécouvrir la saveur d’un J-RPG classique. Le jeu ne restera pas dans la mémoire comme un grand jeu, mais est plaisant à parcourir, de par ses personnages forts, sa réalisation et sa musique (je vous ai déjà dit que j’aimais sa musique ?). Un jeu parfait pour nous accompagner pendant l’été, et nous faire voyager… huit fois.